D’après la version la plus répandue, le mot grec puramiz (pyramis), désignant anciennement un gâteau de farine de froment et de miel de forme pyramidale, serait à l’origine de la dénomination commune des édifices pyramidaux égyptiens : absolument rien n’indique cependant si c’est le gâteau qui donna son nom à ces constructions ou l’inverse… Selon certains, ce mot – dont on ignore en vérité l’origine – pourrait être l’adaptation ou la transposition phonétique par les Grecs d’un ou de plusieurs termes égyptiens qui nous restent inconnus. Analysons-le… Ammien Marcellin (320-395) explique (Livre XXII, § 15) : « Chez les géomètres, cette figure porte le nom de pyramide parce qu’elle se termine en cône, imitant en cela le feu, que nous nommons pur [pyr]. » En effet, le triangle pointe en haut (Δ), que présente le profil pyramidal, est chez les anciens Egyptiens le glyphe astrologico-alchimique du feu, et ce depuis les débuts de l’écriture hiéroglyphique. Il fut d’ailleurs adopté tel quel par les Grecs venus s’instruire en Egypte dès le VIème siècle avant notre ère. Mais là encore, impossible de savoir si c’est l’édifice qui a inspiré le glyphe ou l’inverse. Certains, associant le grec pyr au latin medio, milieu, centre, traduisirent curieusement pyramide par feu central, ce qui ne manque pas d’intérêt… mais de solidité !

Etienne de Bizance (VIème siècle), puis Vossius (XVIIème siècle), font état d’une autre racine grecque, pyros, désignant le froment. Selon d’anciens commentateurs, les pyramides auraient pu être en effet « les greniers de Joseph ». Cette supposition est en rapport avec l’épisode biblique dit de Joseph et ses frères. Celui-ci, suite à son interprétation jugée correcte d’un songe de Pharaon, se vit confier la charge d’intendant principal. En prévision d’une sévère disette – une famine devant durer sept années consécutives –, il commanda de mettre une partie des récoltes dans des greniers (Genèse 37-1 à 47-28)… Il se pourrait donc que l’on ait appelé les montagnes de grains constituant ces dépôts du même nom que les montagnes de pierre taillée que sont les pyramides, simplement par analogie de forme et de fonction : déposer, conserver (auquel cas, ces dépôts pyramidaux pourraient ne pas concerner que du froment, mais autre chose de plus précieux, de plus universel, et de plus nourrissant, qui a été déposé et que l’on doit conserver). Selon Revillout (Revue égyptologique, année II, p. 305-309), pyramis dériverait par homophonie approximative de l’égyptien PiR-eM-uS, mot qui désigne la hauteur verticale d’une construction. Là, le descriptif l’emporte sur le fonctionnel… Eisenlohr voit dans ce même mot le sens d’arête latérale d’un monument. Géométrie et architecture donc…

Abel Rey questionne (La Science orientale avant les Grecs, Editions La Renaissance du Livre, Paris 1930. p. 215 et 272) : « Ne peut-on pas traduire avec certains égyptologues le mot PRMWS [qui pourrait par ailleurs être lu primus, le premier, en latin], qui désigne cette hauteur par la ligne qu’on ne voit pas ? » Il poursuit : « On a parfois traduit PRMWS : ce qui est hors de vue »… Tant que ce n’est pas hors de compréhension !

Pour Adler, pyramis viendrait de l’égyptien Pi-RaMa, soit la hauteur, l’élévation. Nous revenons au genre descriptif…

D’après le célèbre Gaston Maspéro, l’étymologie la plus probable est celle avancée par Cantor et Eisenlohr : pyramis serait issu de la prononciation grecque du terme égyptien PeRi-M-ouiSi, qui désigne l’arête, la saillie d’un bâtiment.

Et toujours la géométrie et l’architecture…

En effet et comme on le voit, ce mot aurait une signification en constant rapport avec la géométrie, la partie la plus concrète des mathématiques, ainsi qu’avec son expression matérielle la plus directe, l’architecture.

Pour André Pochan, ancien professeur de physique et de chimie au lycée français du Caire, féru d’égyptologie, le mot pyramide proviendrait de l’égyptien PR-M-iT, qui désigne la demeure du mort, la maison des lamentations, ou encore de PR-M-MouT : la maison du sarcophage. L’égyptien PiR-M-uS signifie aussi sorti de la terre, ressuscité… Ce sont là des acceptions et allusions funéraires, certes, mais nettement moins nombreuses et insuffisamment précises… Dans le Livre des morts, faussement dénommé par l’égyptologue allemand Karl-Richard Lepsius (depuis 1842), l’expression PiR-M-HaRu à le sens de sortie vers la lumière, ce qui est presque mot pour mot le véritable titre de ce texte hiéroglyphique (quel étonnant contresens, cependant admis et repris par tous les professionnels de la philologie et de l’égyptologie, Jean-Pierre Adam le premier…).

En égyptien, le mot désignant une pyramide est MR. On ignore sa prononciation originelle.

Pour les cabalistes, hermétistes et autres grands connaisseurs des traditions, ce mot a dû se prononcer MiR ou MeR, d’où viendraient peut-être dans le français moderne, selon eux, des mots tels que mire, miracle, mirobolant, mirifique, merveilleux, méritant, émerger, amour… Lecture aussi valable en espagnol…

Peut-être… mais cela n’est pas démontré et ne résout rien.

La graphie la plus habituelle pour écrire pyramide en égyptien désigne aussi un escalier ou l’idée d’élévation, ce qui renvoie aux pyramides à degrés, aux escaliers que constituent les fameuses Ziggurat des Assyriens (mot à la prononciation à peine démarquée de celle de Saqqarah… où se trouve la première − et unique − pyramide à degrés construite en Egypte, selon l’opinion des égyptologues).

Les pyramides à degrés du Yucatan mexicain, semblables à celles de Mésopotamie, d’Egypte et de Chine, n’y sont pourtant jamais comparées par la communauté savante. Pour quelles raisons ? Celle dite de Kukulkan, au Mexique, et celle dite de Djoser à Saqqarah, en Egypte : près de 36 siècles les séparent, outre les 10 000 km !

Cet escalier pourrait par ailleurs sous-entendre une élévation sociale, économique, politique ou spirituelle. En effet, selon Jablonski et La Croze, pyramide dériverait d’une expression désignant directement le monarque égyptien en tant que possesseur de l’élévation. Le même Jablonski avance en outre que c’était par jeu de mot que les prêtres égyptiens avaient dit à Hérodote que ce mot pyramis concernait aussi un homme grand et bon, un homme distingué par ses grandes et belles actions, un héros, une personne élue par les dieux, un dieu lui-même… Notons donc ces notions d’élévation, de noblesse, de prestige, de hauteur, de puissance, de supériorité ; de divinité. Avec Albert Slosman (L’Astronomie selon les Egyptiens, Editions Robert Laffont, Paris 1983. p. 71), nous revenons à un langage de géomètre métissé de considérations religieuses, c’est-à-dire à une forme d’expression typique des anciens Egyptiens, dite mystique (ce qui signifie muet et non pas religieux) qui polarisaient leurs dits et écrits : visible et invisible, concret et abstrait, art et science, intelligence et sensibilité, morale et action : « « Mer » – écrit-il – est la contraction populaire d’un ensemble hiéroglyphique, c’est-à-dire uniquement utilisé en Langue sacrée, qui est : SEQT-BEN-SHOU-MER, et qui veut dire : l’Aimé vers qui descend la Lumière. Cette construction de phrase ne fait aucun doute, car les quatre hiéroglyphes qui permettent d’en retrouver le sens exact se trouvent dans les papyrus mathématiques :

SEQT = demi diagonale,

BEN = la perpendiculaire à la hauteur,

SHOU = l’arête de l’angle qui fournit le cosinus,

MER = rapport entre les lignes des arêtes. »

Serait-ce donc la lumière de l’intelligence ou celle des nombres immortels qui descendrait ici vers l’Aimé ? Quoi qu’il en soit, nous retrouvons de nouveau clairement la géométrie et son langage mathématique, avec force, insistance, et persistance…

La langue copte est – probablement en partie – la vocalisation de l’ancienne langue égyptienne, transposée et écrite en caractères grecs, comme l’avait intuitivement découvert l’érudit jésuite allemand Athanase Kircher (16 – ), ce que démontra ultérieurement Jean-François Champollion…

Jablonski, sur l’autorité de La Croze et au témoignage de l’historien latin Pline (Hist. Nat. Livre XXXVI, c. 8), propose une étymologie fondée sur le copte pirâ-moua : splendeur du Soleil.

Wahl avance quant à lui que la lettre grecque p (Pi) désignerait un homme élu, élevé, et que le mot copte ramao ; riche, pourrait entrer dans la composition du mot pyramide

Ce que semble confirmer en partie M. Langlès, dans ses notes sur Le Voyage de Norden en Egypte, qui donne comme origine étymologique de pyramide le copte Pi ; élevé, jouissant d’une haute considération, auquel la racine chrom, qui signifie feu, a été ajoutée (la perte de la prononciation des lettres ch du début de ce deuxième mot aurait permis l’association Pi rom, d’où serait ultérieurement venue la prononciation arabisée Piramed).

Les Arabes, d’une manière générale, désignent quant à eux les grandes pyramides du plateau de Gizeh par les termes haramat, ahram, ehram, eheram et al hermani ou al haramani : autant d’expression pour désigner de vieux bâtiments, d’anciens édifices, d’antiques monuments. On notera la proximité entre haram et harem, qui a pour sens ; protégé, interdit, à l’écart, proscrit, retranché, sacré… Selon Gallien, Abd al Latif et Makrizi, le mot haram a aussi le sens de très grand âge, extrême vieillesse, immense antiquité, ou encore de dernière période (cf. Sylvestre de Sacy, Mélanges de littérature orientale, Editions Ducrocq, Paris, p. 186). Au duel [genre intermédiaire entre le singulier et le pluriel utilisé dans certaines langues], les Arabes désignent précisément les deux grandes pyramides (dites de Kheops et de Khephren) par le mot haramani, alors que les autres sont désignées par le mot pluriel barabi (birba au singulier), terme indiquant un grand âge, et que l’on retrouve dans l’ancien français : barbon, birbe… La racine du mot haramani doit être prise du singulier haram, qui s’écrit HRM, racine trilitère identique au nom du dieu grec de l’écriture, des arts et des sciences, Hermès : pour les Grecs, ce mot à le sens de base, fondement. Les Arabes les plus cultivés désignaient cependant les pyramides par l’appellation djebel pharaon : montagne de Pharaon. D’une manière analogue, les Turcs les nommèrent : pharaon tépéléri : collines de Pharaon.

Constantin Volney (1757-1820) propose quant à lui une étymologie hébraïque : Bour-a-mit, qui se traduit par caveau du mort, tombeau, sépulture, cénotaphe : c’est l’unique proposition que nous ayons trouvé dans cette langue, ce qui est dire en peu de mot combien ce peuple est éloigné des pyramides et de leur construction, revendication millénaire que nous jugeons outrée et abusive…

Fin de la première partie.

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